Le format

Un nouveau pavé à lire, ça fait toujours plaisir ! Non ? En guise de court préambule, je souhaite simplement réaffirmer que ces articles ne sont pas là pour imposer mon opinion ou revendiquer une quelconque autorité. C’est tout simplement une façon pour moi d’explorer des sujets qui gravitent autour de mon activité (encore jeune) et qui me permettent de me questionner. Ceci étant fait, commençons.

De prime abord, le format pourrait être considéré comme peu ou pas important en cela qu’il relève seulement du support de l’œuvre et qu’il est, par conséquent, plutôt secondaire. Une peinture qui a su nous capturer, nous émouvoir, nous transporter, pourrait tout à fait réitérer cet exploit quelle que soit sa taille. Après tout, si le support s’agrandit ou se rétrécit, cela n’a que peu de conséquences sur le sujet de l’œuvre. C’est ce que l’on pourrait se dire. Pourtant, le format découle directement de l’idée et est donc un composant crucial dans l’élaboration d’une peinture. Le format ne fait pas que contenir cette peinture mais il la conditionne également. Bien sûr, n’importe quelle composition pourrait être adaptée à n’importe quel format qui respecte les mêmes proportions. Il suffirait pour que cela fonctionne de changer en conséquence l’échelle de la composition afin qu’elle s’adapte et qu’elle passe d’un format A4 à un format A0 par exemple. De même, une image pensée au format panoramique pourrait être retravaillée pour s’adapter à un format carré. Toutefois ces choix, qui pourraient paraître anodins pour certains, ne sont pas sans effet et on aurait tort de les sous-estimer. Guernica de Pablo Picasso est un tableau saisissant. Cela tient au sujet en premier lieu et au style en second lieu. Mais cela est aussi (et peut-être surtout) directement lié à la taille peu commune du tableau. Difficile d’imaginer un tel impact sur le spectateur si ce tableau avait été peint dans un format plus petit comme du 60 x 120 cm par exemple. C’est pourtant déjà une belle taille pour un tableau mais pour rappel, cette peinture mesure 3,5 x 7,8 m. On peut sans mal deviner que le choix de ces dimensions hors normes n’est pas un hasard ou une lubie, que l’artiste aura fait ce choix de manière délibérée et que cela participe activement à l’impact que la toile a sur nous. Tout ce que je viens d’écrire peut sembler évident à certains, ou carrément idiot, mais je pense qu’il est bon de le rappeler : on a tous un peu tendance à négliger cet aspect d’une œuvre comme dit plus haut.

Guernica de Pablo Picasso (reproduction sur carreaux)

Toutefois le format n’impacte pas seulement la présence d’une œuvre mais aussi, en toute logique, son prix. Là encore, cela semble évident mais cet article vise à aborder toutes les caractéristiques liées au format. Du moins, celles qui me paraissent pertinentes. Cela dit, je ne pense pas avoir besoin d’expliquer ce point en particulier puisqu’il répond à une logique qui affecte l’ensemble de nos échanges commerciaux : plus la quantité est élevée, plus le coût est élevé. Parlons plutôt de la logistique.

Le format a une grande influence sur ce facteur qui n’est pas à prendre à la légère non plus, tant pour l’artiste que pour l’acheteur d’ailleurs. En effet, tous les artistes ne peuvent pas travailler sur de grandes toiles pour des raisons d’espace, de budget, etc… De même, tous les acheteurs ne peuvent pas se permettre d’acquérir de grandes toiles. Comme dit précédemment, et au-delà de la question du budget, la place nécessaire à son élaboration ou à son acquisition représente une contrainte non négligeable. Bien sûr ce dernier point ne concerne pas tous les artistes, surtout lorsqu’ils sont en début de carrière. Un artiste débutant aura plus de chances de vendre ses toiles à des particuliers si ses prix sont contenus. Il est donc intéressant pour lui de se concentrer (pendant un temps du moins) sur des formats de taille modérée. D’autant plus que lorsqu’on se lance, on a rarement une pièce dédiée à cette pratique. Attention, si l’on observe cette tendance à commencer petit chez quelques personnes, cela ne signifie pas pour autant que c’est une règle à suivre si l’on veut débuter. Certains artistes débutants se lancent directement sur de grandes toiles et, si c’est là leur format de prédilection, ils auraient tort de s’en priver uniquement par souci de conformisme. La seule variable qui pourrait les gêner reste celle de la place nécessaire au travail sur grand format.

La Joconde de Léonard de Vinci

Retenons de tout cela qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire. J’ai moi-même tendance à préférer les grands formats pour l’impression de liberté qu’ils me procurent mais je suis tout de même limitée par l’espace de mon atelier. Au final, le format est affaire de goût avant tout. Ceci dit, reste à aborder la question de la forme et celle de l’orientation qui lui sont toutes deux liées. Commençons par l’orientation.

Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich

À la française ou à l’italienne ? Comprenez à la verticale ou à l’horizontale ? En effet en imprimerie, on parle de format à la française pour une image verticale et de format à l’italienne pour une image horizontale. Portrait ou paysage ? En photographie ou dans le domaine numérique, on parle de format portrait pour une image verticale et de format paysage pour une image horizontale. C’est plutôt parlant, non ? Toutefois, il n’y a évidemment pas de règle stricte quant à la manière dont on utilise l’une ou l’autre de ces orientations. Traditionnellement, on privilégie le format vertical pour représenter un portrait, comme La Joconde de Léonard de Vinci par exemple. De la même manière, un paysage sera généralement peint sur un support horizontal, comme les marines. Cependant ce n’est pas, au risque de me répéter, une règle figée dans le marbre. Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich est la représentation verticale d’un homme face à un paysage certes dramatique, mais paysage tout de même. L’orientation verticale complimente à merveille la silhouette de l’homme tout en n’enlevant rien au paysage. A contrario, Le Désespéré de Gustave Courbet est un portrait au format plutôt horizontal qui n’a rien à envier aux portraits plus classiques (verticaux). Tout cela est bien joli me direz-vous, mais qu’en est-il du format carré ? Venons-en aux formes !

Le Désespéré de Gustave Courbet

Il existe quatre formes principales plus ou moins rares. La plus commune et la plus ancienne est, bien évidemment, la forme rectangulaire qui était, est et restera un classique intemporel. Ensuite, nous avons la forme carrée qui est tout aussi commune et qui s’affranchit allègrement de toute notion d’orientation ce qui peut s’avérer pratique. Vient alors la forme ronde, plus rare et plus moderne, qui a de quoi séduire n’importe qui bien qu’elle soit quelque peu déstabilisante au premier abord. Enfin nous avons la forme triangle, très rare et très récente, qui est selon moi encore plus déstabilisante que la précédente mais qui peut faire des merveilles lorsqu’elle est travaillée en polyptyque (plusieurs châssis ne formant qu’une seule et unique peinture). Ces quatre formes ont toutes des forces et des faiblesses qui dépendent principalement de l’artiste qui les travaille. Certains auront plus d’affinités avec telle ou telle forme et cela, ma foi, est tout à fait personnel à chacun, artistes comme acheteurs. Peut-être que cela vient de ma formation mais en ce qui me concerne, je considère que le rectangle flatte effectivement le portrait lorsqu’il est à la verticale et le paysage quand il est à l’horizontal. Le carré flatte la symétrie tandis que le rond flatte les courbes et que le triangle flatte les peintures d’études en les dynamisant. C’est ainsi que je le perçois mais cela ne veut pas dire qu’un travail de symétrie ne peut pas marcher sur un autre format que le carré. Ou que les courbes ne fonctionnent que sur un châssis rond. Bref, vous l’aurez compris, il y a pas mal de choses à dire sur le format et pas mal de choses à deviner lorsque tel format est choisi pour telle peinture. C’est sans fin. Un peu comme cet article.

Pour conclure, je dirai que tout est possible et que c’est ce champ des possibles qui finit par nous fasciner. Ce n’est peut-être pas cette peinture en particulier qui nous passionne mais plutôt celles qui viendront après. À quoi ressembleront-elles ?…

Bonjour !

Vous pouvez vous inscrire à la newsletter pour recevoir de mes nouvelles !

Il n'y a pas de spam ici ! Consultez la politique de confidentialité pour plus d’informations.