Nous revoilà pour poursuivre notre exploration des couleurs. Et si nous repartions du côté des couleurs chaudes en cette fin d’automne ? Quelle est celle qui nous évoque aussi bien la chaleur accablante des déserts et autres terres arides que celle, réconfortante, d’un bon feu de cheminée dans les frimas de l’hiver ? Vous l’aurez compris avec le titre de cet article, nous allons nous intéresser à la couleur orange. Vive et joyeuse, elle associe la luminosité du jaune à la puissance du rouge. Allons-y !
Tout d’abord l’orange est la couleur la plus énergique du cercle chromatique. Sa vibration à la fois lumineuse et puissante en fait un choix tout désigné pour attirer l’attention de tout un chacun. Ce n’est pas par hasard que cette couleur se retrouve sur les feux de signalisation du monde entier pour inciter les usagers à la prudence. De même, elle est utilisée sur les vestes de plusieurs agents (de sécurité, de maîtrise et autres, notamment sur les routes) afin de les rendre extrêmement visibles en toutes circonstances. Au sein de la signalétique classique, l’orange est la couleur de la prudence, celle qui nous dit “attention” là où le rouge nous dira “danger”. Au-delà de ça, l’orange est une couleur ambivalente. Elle est certes dynamique, euphorique même, chaleureuse et joyeuse, avec une image globalement positive, mais certaines associations d’idées la rapprochent de la mort en général et des morts en particulier. C’est une couleur qu’il convient d’utiliser avec parcimonie au risque d’agresser la rétine du spectateur. Toutefois à l’instar d’autres couleurs à la vibration intense, il ne faut pas craindre de s’en servir non plus. Comme souvent lorsqu’on parle de couleur, le secret d’un orange saisissant réside dans la nuance.
Tour d’horizon
Alors oui, mes recherches sur le sujet ont été laborieuses pour une fois. Non pas parce que cette couleur manque de matière, mais plutôt parce qu’on la considère souvent comme moins importante que d’autres, et notamment que ses grandes sœurs qui lui font de l’ombre : le jaune et le rouge. Mais faisons fi des a priori (soyons fous) et voyons où cela nous mène. Il faut bien avouer pour commencer que cette couleur possède une image plutôt positive partout dans le monde. Cependant, on peut noter quelques petites variations et différences ici et là. Par exemple au Pays-Bas, c’est la couleur de la famille royale. Généralement associée à la joie, l’énergie et la créativité, elle possède aussi une aura un peu plus subtile. Nous en revenons à notre fameux “attention” évoqué un peu plus haut. En effet, aux Etats-Unis, l’orange est la couleur des prisonniers ce qui, probablement, a un rapport avec le fait qu’il est difficile de passer inaperçu lorsque l’on porte cette couleur. Raison pour laquelle certains métiers à risque l’ont intégrée à leur code vestimentaire pour se rendre plus visibles et ce, quel que soit le pays. On notera également qu’en Inde cette couleur est sacrée et associée à l’hindouisme : elle représente pureté et spiritualité. Enfin, en Orient on fait d’elle la couleur de l’humilité, de la lumière et de l’illumination, raisons pour lesquelles les moines bouddhistes sont vêtus de kesas oranges. En Chine, l’orange est également positif à cela près qu’on y rajoute une notion de transformation.
Ses qualités
Ainsi, l’orange se situe entre la lumière pure et aveuglante du jaune, et la force vitale et brutale du rouge. Elle personnifie la lumière douce que l’on peut observer sans craindre de se brûler à l’image des flammes crépitantes d’un bon feu de cheminée. Si elle est la couleur de la bonne humeur par excellence, ce n’est pas sans raison. Sa vibration invite à l’insouciance. Sa lumière, combinée à sa chaleur, fait d’elle une couleur terriblement réconfortante. Quoi de mieux en effet durant les longues et froides nuits d’hiver qu’un bon feu de bois pour se réchauffer ? Sans surprise l’orange incarne à lui seul ce même feu. D’ailleurs, c’est peut-être aussi à cause de cette interpolation que cette couleur peut se targuer d’attirer notre attention avec tant de facilité. La flamme d’une bougie, une torche dans la pénombre, la lueur d’un incendie, tout cela attire sans mal notre attention donc l’orange a peut-être, au fil du temps, fini par nous interpeller de la même façon. Spirituelle, les moines bouddhistes la portent lors de leurs méditations. Créative, elle peut surgir dans nos esprits quand les idées foisonnent et qu’une énergie créatrice nous saisit. Euphorique donc. L’orange est une couleur captivante et même galvanisante qui sait chasser la monotonie loin, très loin d’elle.
Ses défauts
Ce n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire, une couleur uniquement positive. Aucune couleur ne l’est jamais vraiment et l’orange n’échappe pas à la règle. De fait, on associe systématiquement cette couleur à l’automne et pour cause, c’est la saison des feuilles mortes et donc, des teintes orangées. L’automne est comme chacun sait une saison de transition entre la vitalité de l’été et l’hibernation de l’hiver. Pour certains les couleurs changeantes de cette saison sont un enchantement, pour d’autres, elles attestent de la mise en sommeil de la nature, voire de sa mort pour les plus pessimistes. La symbolique de l’automne déteint donc un peu sur la couleur qui la représente. N’oublions pas non plus la célèbre fête d’Halloween. Cette fête qui veille les morts est associée à la citrouille et à son sourire inquiétant en référence à une légende irlandaise, Jack O’Lantern. D’origine celte, elle a pris ses racines en Irlande et dans le nord de la France afin de célébrer la fin de l’été et le début de l’hiver. C’est une fête païenne dont le nom est un condensé déformé car modernisé de “All Hallows’ Eve”, littéralement “la veille de tous les saints”, c’est-à-dire la veille de la Toussaint du calendrier chrétien. À force de répétition et au fil du temps, la couleur même de la citrouille a fini par être indissociable de la fête. Ainsi Halloween ne va pas sans l’orange et son cortège de citrouilles grimaçantes.
Pour être tout à fait exhaustive, nous pourrions ajouter ici que l’orange est également la couleur par excellence des couchers de soleil. Et c’est bien naturel (dans tous les sens du terme) puisque le ciel s’embrase parfois littéralement à cette période de la journée. Vous noterez que ce point ne fait partie ni des qualités, ni des défauts de la couleur et ce, dans un souci d’équité. Après tout, certains pourraient considérer que c’est une grande qualité et que la palette de couleurs du crépuscule n’est rien d’autre qu’un plaisir pour les yeux. Ils n’auraient pas le moins du monde tort. Toutefois, le crépuscule annonce également la fin de la journée et marque donc très logiquement le début de la nuit. Dans nos sociétés modernes, ce changement n’a plus réellement d’incidence sur notre quotidien mais il était bel et bien redouté à une autre époque. Avant l’électricité, les lampes à huile et autres éclairages publics, la nuit était plongée dans une obscurité d’encre et bien des peurs y étaient liées. Non sans raisons. La symbolique du crépuscule étant complexe et pas forcément bénéfique, elle rejaillit dans une moindre mesure sur sa couleur prédominante. Ceci étant dit, il est temps de poursuivre cet article en nous intéressant à quatre nuances d’orange qui me semblent les plus attractives. Notez que ce ne sont que mes préférences et que pour les besoins de cet article elles sont limitées. N’hésitez pas à découvrir d’autres nuances !
Orange corail
Cette teinte orange est légèrement rosée et tire son nom, sans grande surprise, du corail que l’on trouve dans les fonds marins. Oui mais voilà, il existe plusieurs variétés de coraux aux couleurs toutes différentes donc cette appellation est très peu précise au final. Certes. On trouve généralement deux teintes d’orange sous cette appellation, l’une moyennement foncée et l’autre un peu plus pâle, mais pour l’une comme pour l’autre la présence de rose reste une constante. C’est une couleur très vivante ce qui tombe bien puisqu’elle tire son inspiration de la vie marine. On l’oublie parfois mais les coraux sont des organismes vivants. Associée à un bleu marine elle forme un duo très efficace puisque non contente d’avoir une dominante orange, la complémentaire du bleu, elle embarque avec elle une pointe de rose qui se marie, lui, merveilleusement bien avec les bleus les plus sombres.
Orange vif
Cette teinte porte bien des noms puisqu’elle est présente dans tous les catalogues de couleur du monde mais pour cet article, nous la désignerons sous le terme de “vif”. Tout simplement parce que c’est ce qu’elle est ! Cette teinte est la couleur orange originelle, c’est-à-dire qu’elle est constituée à parts égales de jaune et de rouge. Ce parfait équilibre entre les deux teintes primaires chaudes a de quoi faire flamboyer la couleur ainsi obtenue. Si la notion d’exubérance devait un jour se personnifier en quelque chose, ce serait à mon sens dans cette couleur car comme dit plus haut elle combine la luminosité sans pareille du jaune à la puissance visuelle du rouge. Le résultat est plus que vif. Il brûle ! Mais par touches, cette teinte est un aimant à attention (pour les raisons précédemment citées dans cet article) et sera toute désignée pour mettre en évidence le point d’orgue d’une composition.
Orange abricot
Cette teinte n’est pas si éloignée d’un orange corail, bien que plus pâle, à la différence près que le mélange entre l’orange et le rose est plus équilibré. Pour faire clair, l’orange abricot est un orange avec une plus grande quantité de rose ce qui l’adoucit considérablement et le rend presque apaisant. Oui encore une autre nuance qui tire sur le rose mais que voulez-vous ? C’est une combinaison qui a toujours su me séduire. Outre la douceur inhérente à la teinte, c’est une couleur qui peut se permettre d’être utilisée en plus grande quantité en raison de son intensité visuelle amoindrie. Associée à un vert kaki sombre ou à un vert de vessie, elle est tout à fait saisissante sans toutefois prendre le pas sur l’ensemble. Une valeur sûre.
Orange potiron
La dernière nuance de cet article va basculer de l’autre côté, non pas de la Force, mais bien du cercle chromatique. En effet, après les trois teintes précédemment citées, discutons un peu du orange potiron qui fait partie des oranges tirant sur le jaune et non sur le rouge ou le rose. Sa teinte si caractéristique le rend bien plus lumineux que les autres oranges tout en étant suffisamment sombre pour rester relativement discret. Un exploit pour un orange ! En effet, bien que le jaune y soit plus présent, il possède également une légère note de brun venant contrebalancer son excès de jaune. On est donc face à une nuance automnale (ce qui ne surprend personne à ce stade) chaleureuse qui est très prisée des amateurs de cocooning. D’ailleurs, d’aucun dirait que cette nuance est très cozy. En peinture, elle se combine extrêmement bien avec les teintes vertes qui évoquent elles aussi la nature.
Comme toutes les autres couleurs abordées sur ce site, l’orange est lui aussi un sujet vaste qui pourrait nous occuper un bon moment. Cependant les meilleurs choses ont une fin selon l’expression consacrée et bien que l’écriture soit un réel plaisir pour moi, il serait sage de clore tranquillement ce chapitre du blog. Il reste tout de même un dernier point à aborder. Si l’orange était un son, quel serait-il ? À bien y réfléchir, cette couleur m’inspire un sifflement pour plusieurs raisons. La première est la plus évidente : attirer l’attention de quelqu’un est un jeu d’enfant grâce à un sifflement strident. La seconde est plus convenue puisque siffler un air de musique qui nous traine dans la tête est quelque chose de familier, de réconfortant et de souvent amusant, notamment lorsque l’air en question nous échappe. La dernière et troisième raison est plus profonde. Il existe évidemment des dizaines de raisons de se mettre à siffler mais l’une des plus communément admise est que cela permet d’extérioriser notre bonne humeur. L’orange est un sifflement qui peut être tour à tour, joyeux, réconfortant ou d’avertissement.
Comme toujours, mettons un terme à cet article en citant quelques œuvres faisant la part belle à la couleur orange. Tout d’abord on pourrait inclure dans cette liste non exhaustive les peintures comme celles des grottes de Lascaux qui comportent de nombreuses teintes orange liées aux pigments utilisés. Ensuite on pourrait évoquer Le kimono orange de Giuseppe De Nittis, un tableau au drapé lumineux. Le détail de La couseuse à la robe rouge, Jeanne, d’Henry Manguin est quant à lui très vaporeux, voire poétique. Une fois n’est pas coutume, fermons le bal avec un artiste contemporain : La langue liée de Benedict Olorunnisomo.
Ici s’achève l’article consacré aux teintes orange, en espérant qu’il vous aura plu. Pour ceux qui lirons ces derniers mots, merci de m’avoir lu jusqu’au bout. À bientôt pour le prochain article !